La hauteur du sanglier c’est le point de vue qu’il faut emprunter lorsque l’on suit les traces des mammifères sauvages dans la campagne : dans la végétation dense, notre corps de bipède devient inadapté. Il faut se baisser, affronter les branchages et les épines, adopter une autre silhouette. En pistant les animaux on se projette dans un autre corps, une autre perception du territoire, et on accède progressivement à l’envers du paysage : un monde habité, imprévisible, qui se cache dans les interstices sauvages, et que l’on trouve en pénétrant les plis d’un territoire trop longtemps contemplé comme un tableau lisse, une toile peinte décorant, à l’arrière plan, nos aventures humaines.

Pour construire ma représentation du territoire, je ne me contente pas des expériences solitaires de photographe-pisteur. Je vais aussi à la rencontre des personnes qui peuplent la campagne pour qu’elles me révèlent ce que me cachent mes habitudes de citadin. Elles me racontent leurs perceptions de la faune, la fascination qu’elle exerce en même temps que les difficultés de cohabiter avec les grands mammifères sauvages. Ces voix accompagnent les photographies sous la forme d’un document audio, à écouter au casque en parcourant l’exposition de photographies.





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« L’invasion récente du sanglier dans les campagnes est un phénomène massif, non maîtrisé, qui constitue un étonnant pendant à la disparition de la petite faune. (...) Pour analyser l’essor de l’espèce à travers la France, il faut prendre en compte les connexions inextricables entre phénomènes sociaux, politiques, et écologiques. Si l’intrusion du sanglier est vécue avec amertume par les agriculteurs, ce n’est pas seulement du fait des dommages aux cultures, mais aussi parce qu’il offre l’image vivante de la déprise agricole et des défaites du monde paysan. (...) Il symbolise a désertification des hameaux et le délitement général des communautés rurales. »

Charles Stépanoff, dans L’animal et la mort. Chasses, modernité et crise du sauvage (La Découverte, Paris, 2021).


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Ce projet est accueilli en résidence en 2022.
La Villa la Brugère, à Arromanches-les-Bains.
>Aux Fours à chaux du Rey, à Regnéville-sur-Mer, avec le soutien du conseil départemental de la Manche.

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